Les Français ne connaissent pas assez les gestes qui sauvent en cas d’arrêt cardiaque subit. L’Assemblée nationale vient de voter à l’unanimité, et en première lecture, une proposition de loi pour sensibiliser la population aux gestes qui sauvent. Elle prévoit la création notamment du statut de « citoyen sauveteur ».
http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/lutte_mort_subite
http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r1633.pdf
La France très en retard par rapport aux anglo-saxons et aux scandinaves
Les pays anglo-saxons et scandinaves présentent un taux de survie de 20 à 40 % des victimes d’un arrêt cardiaque inopiné contre seulement 3 % à 4 % en France. Les raisons principales sont le manque de défibrillateurs et surtout de connaissance des comportements qui sauvent.
http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r1633.pdf
Chaque année, 50 000 décès d’arrêt cardiaque dont une bonne partie devant témoin(s)
Chaque année, l’arrêt cardiaque inopiné ou mort subite de l’adulte, est responsable de 40 000 à 50 000 décès dont une partie devant témoins. Ce sont dix fois plus de victimes que celles des accidents de la route
Pour corriger ce retard, le groupe LRM a voté une proposition de loi qui exonère de toute responsabilité civile les personnes qui portent secours à une victime de malaise cardiaque. D’autres mesures pour amplifier la sensibilisation aux « gestes qui sauvent » ont été adoptées à l’unanimité.
Le projet de loi crée aussi un statut de « citoyen sauveteur » qui vise à protéger la personne portant secours à une autre en situation d’arrêt cardio-respiratoire.
Exonération totale de responsabilité pour le sauveteur
Le sauveteur non professionnel sera désormais exonéré de « toute responsabilité civile », sauf « faute lourde ou intentionnelle de sa part« .
L’article 122-7 du code pénal précise qu’une personne ne peut être poursuivie pénalement si elle mène une action proportionnelle au risque. Le point important est donc de bien évaluer le risque avant d’agir, ce qui, bien sûr, est loin d’être évident en situation de stress, notamment en présence d’un risque imminent. Mais par exemple, on ne peut pas reprocher à une personne d’avoir vidé un extincteur sur un feu naissant, d’avoir tiré le signal d’alarme en présence d’un malaise, alors que ces comportements sont condamnés s’il n’y a pas de risque. On ne pourra pas non plus poursuivre pour coups et blessures une personne qui a cassé des côtes en pratiquant un massage cardiaque sur une personne en arrêt cardio-respiratoire, ou d’avoir aggravé un traumatisme en tournant une personne inconsciente sur le côté (position latérale de sécurité) — ceci parce que ces gestes sont proportionnels aux risques (en l’occurrence, dans les deux cas cités, risque de décès).
Un simple citoyen, même formé aux premiers secours, n’a pas les connaissances nécessaires ni le recul pour juger quels sont les risques liés à l’état de santé d’une victime et les gestes proportionnés à ce risque. Pour cette raison, la plupart des messages au grand public recommandent de s’abstenir d’agir, de ne pas toucher à la victime et de se contenter de prévenir les secours. Les formations aux premiers secours invitent à se conformer strictement aux gestes enseignés : en effet, la commission pédagogique nationale (l’Observatoire national du secourisme — ONS) a longuement étudié ce problème, et les gestes enseignés lors de la formation aux premiers secours sont proportionnés au risque. Cependant, il est nécessaire que la personne ait bien identifié la situation (par exemple être sûre que la victime est en arrêt cardio-respiratoire avant de commencer la réanimation, être sûre que la victime est inconsciente avant de la tourner en PLS).
Cependant, provoquer des dommages matériels comme casser des cotes ou des lunettes n’exonère pas systématiquement le sauveteur de toute mise en cause de sa responsabilité civile et dans un contexte sociétal de plus en plus procédurier, on a vu des survivants porter plainte contre leur sauveteurs pour des dommages parfois d’autant plus insignifiants qu’ils étaient proportionnellement très faibles par rapport au secours apporté. La loi mettra le sauveteur définitivement à l’abri de ce type de lourde déconvenue et d’une ingratitude souvent révoltante.
« Ce sont nos familles, nos parents, nos voisins, nos collègues, nos camarades sur les terrains de sports. C’est aussi ma compagne Céline, à qui cela est arrivé il y a douze ans, et à qui je pense en cet instant », a confié l’élu de l’Isère Jean-Charles Colas-Roy (LaRem), auteur et rapporteur du texte. http://www.lcp.fr/la-politique-en-video/arret-cardiaque-les-deputes-votent-lunanimite-un-statut-de-citoyen-sauveteur
Contre l’arrêt cardiaque, un projet ambitieux
Le rapporteur fixe aussi comme objectif d’avoir sensibilisé 80% de la population d’ici à dix ans aux gestes qui sauvent, en particulier le massage cardiaque, ce qui permettrait de sauver 3 000 vies chaque année. Les pays anglo-saxons et scandinaves, en pointe sur le sujet de la sensibilisation, présentent un taux de survie de 20 % à 40 % des victimes d’un arrêt cardiaque inopiné, contre seulement 3 % à 4 % en France. https://www.lci.fr/bien-etre/proposition-de-loi-pour-lutter-contre-la-mort-subite-de-l-adulte-connaissez-vous-les-gestes-qui-sauvent-en-cas-de-crise-cardiaque-2107968.html
Mais en favorisant la sensibilisation plutôt que formation, le projet a peu de chances d’atteindre ses objectifs.
Un arrêté remontant à 2010 préconisait une sensibilisation d’environ une heure sans limite de participants alors que sans pratique du massage cardiaque sur mannequin, il n’y a presque aucune chance de démystifier l’acte et de permettre à un témoins d’arrêt cardiaque de réagir adéquatement.
C’est ce qu’on déploré certains députés comme Arnaud Viala (LR). Le député LR de l’Aveyron a également déploré le « manque de moyens financiers » pour satisfaire les ambitions du texte. En effet, de nombreuses associations ont du mal à assurer leurs formations.
Une journée nationale de lutte contre l’arrêt cardiaque
La proposition de loi instaure aussi une journée nationale de lutte contre l’arrêt cardiaque et renforce les sanctions en cas de dégradation des défibrillateurs. Le groupe LaREM a par ailleurs obtenu « d’institutionnaliser l’apprentissage spécifique des signes d’alerte de la mort subite aux entraîneurs sportifs ». Enfin, un amendement du MoDem prévoyant d’étendre la sensibilisation aux gestes qui sauvent auprès des étudiants de Staps a été adopté. https://www.egora.fr/actus-pro/sante-publique/46348-arret-cardiaque-la-loi-protegera-les-citoyens-sauveurs
Mieux sensibiliser la population aux gestes qui sauvent, créer une journée nationale de lutte contre l’arrêt cardiaque et renforcer les sanctions en cas de dégradation des défibrillateurs font partie des autres mesures importantes de la proposition de loi.
Des sanctions alourdies en cas de dégradation ou de vol de défibrillateurs
L’aggravation des sanctions a souvent été évoquée. Les vols et dégradation de défibrillateurs ont été assez nombreux dans les années suivant le début de leur déploiement dans l’espace public. Les dispositions renforçant les sanctions contre le vol ou la dégradation de DAE, qui figuraient dans le texte original de la loi du 28 juin 2018 obligeant certains ERP à s’équiper de défibrillateurs, n’avaient pourtant pas été retenues par l’Assemblée Nationale. https://restenvie.com/loi-28-juin-2018-obligation-defibrillateur
Rien pour les entreprises et les ensembles résidentiels.
Hélas, une fois de plus, rien n’a été prévu pour les entreprises ou pour inciter les ensembles résidentiels (immeubles, lotissements, hameaux) à s’équiper et se former. Pourtant, c’est là que se produisent plus de 70% des arrêts cardiaques et que la réaction devrait être la plus rapide.
Rien non plus sur la signalétique des défibrillateurs
Le rapporteur ne s’est pas non plus penché sur l’aspect instructif de la signalétique des défibrillateurs, laissant une obligation limitée aux sigles et couleurs de l’Ilcor, le comité international de liaison pour la signalétique des défibrillateurs qui a le mérite de l’unifier mais le tort de n’imposer que le minimum. Ce minimum est incompréhensible pour les 70% de Français qui n’ont jamais suivi la moindre formation en secourisme. Pire c’est un sérieux obstacle à la sensibilisation des populations alors qu’une signalétique explicite devrait éveiller la curiosité des Français.
Le texte doit maintenant être examiné par le Sénat.